Les sciences cognitives appliquées à l'apprentissage

Les sciences cognitives constituent un domaine fascinant qui explore l'esprit humain à travers une approche interdisciplinaire. Cette discipline scientifique moderne tendent à expliquer le fonctionnement cognitif en croisant plusieurs perspectives. Contrairement à une idée répandue, elles ne se limitent pas aux neurosciences, bien que celles-ci en fassent partie intégrante. Elles englobent un ensemble de disciplines complémentaires, chacune apportant un éclairage unique sur les mécanismes sous-jacents de notre cognition, nos comportements et nos interactions sociales.

Cette science générale du fonctionnement de l'esprit croise ainsi les neurosciences, la psychologie, la sociologie, la linguistique, la philosophie de la cognition et les sciences computationnelles, toutes unies par un objectif commun : comprendre comment notre esprit fonctionne en s'appuyant sur des méthodologies scientifiques rigoureuses. Dans le cadre de la recherche, ces disciplines forment un système complexe de traitement de l'information qui permet aux chercheurs et étudiants de formuler des hypothèses, d'isoler des variables et de mesurer leurs effets pour percer les mystères de la pensée humaine.

En bref

Les sciences cognitives constituent une discipline scientifique interdisciplinaire qui étudie l'esprit humain en croisant :

  • Neurosciences et psychologie pour comprendre les mécanismes cérébraux
  • Intelligence artificielle et informatique pour modéliser la cognition
  • Linguistique et philosophie pour analyser la pensée et le langage

Applications concrètes : amélioration des LMS, personnalisation des parcours de formation, et intégration de l'IA pédagogique pour des résultats mesurables.

Comment les sciences cognitives analysent-elles la cognition à différents niveaux ?

L'un des atouts majeurs de cette science de la cognition est sa capacité à analyser la cognition humaine à plusieurs niveaux. Cela va de l'étude des neurones et des synapses à l'observation des interactions sociales et de la cognition sociale. Cette approche permet d'explorer les liens entre les phénomènes microscopiques observés au niveau cellulaire et les dynamiques sociales et sociétales, offrant ainsi une perspective intégrée des processus cognitifs, bien que ces relations soient souvent complexes et non linéaires.

Quelle est l'approche scientifique pour comprendre l'apprentissage ?

Pour comprendre ce qui fonctionne réellement dans l'apprentissage, il est essentiel d'adopter une approche scientifique rigoureuse, fondée sur des données probantes. Cette science fondamentale implique d'évaluer objectivement l'efficacité des méthodes d'enseignement en mesurant des variables, en contrôlant certaines conditions et en comparant des groupes. Ce processus est crucial pour éviter les biais de confirmation – cette tendance naturelle à privilégier les informations qui confirment nos croyances préexistantes, au détriment d'une analyse impartiale. En poursuivant cet objectif, les sciences cognitives apportent une perspective interdisciplinaire qui éclaire l'apprentissage sous plusieurs angles complémentaires, chacun contribuant à une meilleure compréhension des mécanismes par lesquels nous acquérons des connaissances et des compétences.

Les neurosciences contribuent à notre compréhension des mécanismes cérébraux impliqués dans l'apprentissage, révélant que celui-ci repose sur des réseaux neuronaux largement distribués plutôt que sur des régions isolées. L'imagerie cérébrale permet aujourd'hui d'observer ces mécanismes en action. Parmi les structures clés de ces réseaux, on trouve l'hippocampe, fortement impliqué dans la formation de la mémoire à long terme et la mémoire déclarative (celle des faits et événements que l'on peut exprimer verbalement), le striatum influençant la prise de décision, mais aussi le cortex préfrontal, crucial pour les fonctions exécutives et la métacognition, et l'amygdale, qui joue un rôle déterminant dans l'apprentissage émotionnel et la modélisation de la mémorisation par les émotions.

Les neurosciences s'intéressent également à des mécanismes cellulaires fondamentaux, comme la plasticité cérébrale – la capacité du cerveau à modifier sa structure et ses fonctions en réponse aux expériences. Cette plasticité opère à travers divers mécanismes: le renforcement de certaines connexions synaptiques, la formation de nouvelles connexions (synaptogenèse), mais aussi, dans certaines régions comme l'hippocampe, la formation de nouveaux neurones (neurogenèse). Ces mécanismes permettent au cerveau de s'adapter continuellement et constituent le substrat biologique de l'apprentissage et de la mémoire.

La psychologie cognitive complète cette analyse en s'intéressant aux processus mentaux impliqués dans l'apprentissage : attention, mémoire de travail, raisonnement. Elle explore comment ces processus interagissent, comment nous pouvons les optimiser, et comment l'environnement influence notre capacité à apprendre. Cette discipline a par exemple mis en évidence les bénéfices pour la mémoire de la répétition des informations (Latimier et al., 2021), de l'espacement des apprentissages (Cepeda et al., 2008), ou encore l'influence de la familiarité avec le sujet sur l'efficacité de sa mise en pratique (cf notre podcast sur le sujet).

L'apprentissage ne se limite toutefois pas aux mécanismes individuels. L'interaction sociale joue un rôle central dans l'acquisition des connaissances. Nous apprenons en observant et en imitant les autres, ce qui fait de l'apprentissage collaboratif un outil puissant. Les concepts de cognition distribuée (qui étudie comment l'information est représentée et transformée dans des systèmes comprenant des individus, des artefacts et des environnements, formant ensemble un système cognitif intégré) et d'apprentissage social (l'acquisition de connaissances par l'observation, l'imitation et l'interaction avec les autres) illustrent comment les échanges entre individus et leur environnement matériel permettent de partager et de co-construire des savoirs qui dépassent les capacités cognitives individuelles.

Le rôle du langage est également crucial, car c'est le véhicule principal à travers lequel les connaissances sont transmises. L'étude de la linguistique computationnelle et de la psycholinguistique nous aide à comprendre comment la structure du langage façonne notre perception du monde et notre capacité à conceptualiser de nouvelles idées.

Enfin, l'anthropologie cognitive et la philosophie apportent une réflexion fondamentale sur la nature de la compréhension elle-même, interrogeant ce que signifie « comprendre » et comment distinguer les différentes formes de savoir dans différentes cultures et contextes.

Comment exploiter les sciences cognitives dans les LMS pour des méthodes plus efficaces ?

Les sciences cognitives offrent un potentiel considérable d'applications dans le domaine de la formation, notamment à travers les Learning Management Systems (LMS). Ces plateformes numériques permettent de créer, gérer et diffuser des formations en ligne pour tous les types d'utilisateurs. Cependant, l'intégration effective des principes cognitifs dans ces systèmes reste inégale, allant de simples ajustements cosmétiques à des restructurations fondamentales de l'expérience d'apprentissage.

Ces outils peuvent être conçus pour exploiter les principes cognitifs et améliorer l'efficacité de l'apprentissage. Plusieurs stratégies complémentaires peuvent être mises en œuvre dans le cadre d'un programme de formation moderne. Premièrement, la gestion de la charge cognitive – en structurant les informations de manière à éviter la surcharge cognitive, situation où notre cerveau reçoit trop d'informations à traiter simultanément – permet aux apprenants d'assimiler les concepts plus efficacement (Sweller et al., 2019). Deuxièmement, l'optimisation du séquençage pédagogique consiste à présenter les informations selon une progression adaptée, en s'assurant que chaque nouveau concept s'appuie sur des connaissances préalablement maîtrisées, conformément aux principes de zone proximale développé par Vygotsky.

De plus, ces sites et plateformes peuvent être programmés pour implémenter la pratique espacée (spaced practice), une technique où les exercices sont distribués de manière optimale dans le temps plutôt que concentrés en une seule session (massed practice). Cette approche s'appuie sur l'effet d'espacement (spacing effect), un phénomène robuste en psychologie cognitive qui montre que l'espacement des révisions peut atténuer la courbe de l'oubli – ce phénomène où l'on oublie rapidement ce que l'on a appris si l'on ne le réactive pas régulièrement. Pour maximiser l'efficacité, l'espacement optimal devrait être adapté à la complexité du matériel, au niveau d'expertise de l'apprenant et à la nature des connaissances (déclaratives ou procédurales) (Cepeda et al., 2008).

De plus, les LMS modernes peuvent être programmés pour implémenter ces stratégies de manière automatisée.

Enfin, l'introduction de solutions populaires, comme des modules de gamification (l'utilisation d'éléments et mécanismes du jeu dans des contextes non ludiques) ou des quiz interactifs, doit être implémentée avec discernement. Les travaux de recherche montrent que ces approches peuvent avoir des effets variables sur la motivation selon les profils d'apprenants (Hamari et al., 2014): si elles peuvent stimuler l'engagement à court terme pour certains, elles risquent de transformer la motivation intrinsèque en motivation extrinsèque pour d'autres, particulièrement lorsque l'accent est mis sur les récompenses externes plutôt que sur la valeur inhérente de l'apprentissage (voir notre podcast à ce sujet).

L'IA au service de l'apprentissage

L'intelligence artificielle utilisent conjointement les découvertes en sciences cognitives pour créer des systèmes d'apprentissage adaptatifs. Ces technologies permettent de personnaliser l'expérience d'apprentissage de chaque utilisateur en fonction de ses besoins spécifiques et de son développement cognitif.

Pourquoi les sciences cognitives sont-elles essentielles pour l'apprentissage moderne ?

Les sciences cognitives, par leur approche interdisciplinaire, offrent une vision enrichissante et nuancée de la cognition humaine. En combinant neurosciences, psychologie, sociologie, linguistique, philosophie et sciences computationnelles, elles permettent de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents de l'apprentissage et de la pensée. Ces connaissances ouvrent des perspectives intéressantes dans la formation, notamment à travers les LMS, en proposant des méthodes plus efficaces et basées sur des données probantes.

Dans le contexte actuel où l'éducation et la formation tout au long de la vie sont essentielles, que ce soit dans le cadre d'une licence, d'un master ou de formations professionnelles continues, les sciences cognitives offrent les clés pour optimiser nos capacités à apprendre, à nous adapter et à progresser. Pour les étudiants, chercheurs et professionnels de l'éducation, cette discipline représente un choix stratégique pour l'avenir de l'enseignement.

En mettant en œuvre des principes cognitifs dans les outils de formation, nous pouvons favoriser un apprentissage plus durable et motivant, tout en reconnaissant que les principes dérivés des études en laboratoire doivent être adaptés avec soin aux contextes d'apprentissage réels, avec leurs contraintes et spécificités propres. Cette approche scientifique de l'apprentissage, issue des meilleures ressources de la recherche internationale, continue d'évoluer et de s'enrichir pour répondre aux défis éducatifs contemporains.

Questions fréquemment posées sur les sciences cognitives

Que sont les sciences cognitives ?

Les sciences cognitives constituent une discipline scientifique interdisciplinaire qui étudie l'esprit humain et ses processus mentaux. Cette science cognitive englobe un large éventail d'approches, de disciplines et de méthodologies qui comprennent l'intelligence artificielle (IA), l'anthropologie cognitive, l'informatique, la linguistique computationnelle, les neurosciences, la philosophie de la cognition et la psychologie cognitive. L'objectif principal est de comprendre comment nous pensons, apprenons, mémorisons et résolvons des problèmes.

Quelles sont les principales fonctions cognitives ?

Les fonctions cognitives représentent les différentes capacités mentales qui nous permettent d'interagir avec notre environnement. On distingue généralement plusieurs catégories principales :

Les fonctions cognitives fondamentales :

  • L'attention : capacité à se concentrer sur des informations pertinentes
  • La mémoire : stockage et récupération d'informations (mémoire de travail, mémoire à long terme)
  • Le langage : compréhension et production verbale
  • Les fonctions exécutives : planification, raisonnement et contrôle cognitif
  • La perception : traitement et interprétation des informations sensorielles
  • La motricité : coordination des mouvements volontaires
  • Les capacités visuo-spatiales : traitement de l'information spatiale

Quels sont les processus cognitifs essentiels ?

Les processus cognitifs correspondent aux mécanismes mentaux qui permettent le traitement de l'information. Les principaux processus incluent :

  • Compréhension et connaissance : acquisition et organisation des savoirs
  • Raisonnement fluide : capacité à résoudre des problèmes nouveaux
  • Mémoire de travail : maintien temporaire d'informations pour les manipuler
  • Vitesse de traitement : rapidité d'exécution des tâches cognitives
  • Traitement auditif : analyse des informations sonores
  • Récupération à long terme : accès aux connaissances stockées
  • Traitement visuel : analyse des informations visuelles

Ces processus utilisent conjointement différentes régions du cerveau et constituent la base de notre fonctionnement cognitif quotidien.

À propos de l'auteur
Léa Combette

Léa est docteure en sciences cognitives. Elle a mené des travaux de recherche en France et aux États-Unis, portant sur les mécanismes de l’apprentissage et de la motivation. Elle est aujourd’hui Responsable Pédagogique chez Didask.

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